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Alexandre Venet

Création, ignorance, Dieu

Épistémologie

Dieu est-il un principe heuristique ? Est-il le nom de notre ignorance afin de saisir une chose ?

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Argument

La création est-elle du côté du producteur ou du côté du spectateur ?

En effet, une chose m'est véritablement nouvelle, et je peux ainsi dire qu'elle est une création, quand je ne sais absolument rien d'elle, des conditions de son émergence, de son contexte, etc.

Prenons le cas de Dieu créant le monde. Cette représentation est une réponse à notre ignorance du monde. On pense une création, donc l'émergence d’une chose radicalement nouvelle (le monde), à partir de rien (et comme ce rien est angoissant, ou contradictoire, on pose un créateur : Dieu). On dit qu'il y a création du monde parce qu'on ne sait rien du monde, des conditions de son émergence, de son contexte, etc.

Nous disons que nous avons créé Dieu pour répondre à notre ignorance du monde. Mais cette création s'est effectuée avec quels matériaux ? Rien, aucun, pourrait-on dire, puisque nous sommes dans l'ignorance. Or, pour dire « rien, aucun », il faut déjà supposer des choses où « rien, aucun » peut être dit. Donc, Dieu n'est pas une création ex nihilo, nous l'avons créé à partir du fait que nous ne savons pas, du vide de la pensée qui a été pensé.

Dieu est alors un concept heuristique : quand je ne sais pas pourquoi telle chose est là, je dis qu'elle est créée par Dieu. On peut en rester là, c'est une explication suffisante (parce que rassurante, logique, parce qu'elle fait sens, parce qu’elle fait cosmos, etc.) ; ou bien on peut commencer à interroger Dieu (Dieu est alors un chemin).

Dieu est-il unique ou non ? Cela dépend si on considère le principe heuristique ou si on considère que chaque ignorance est spécifique. Comme principe heuristique, il n'y a qu’un Dieu et on le pose dès qu’on ne sait rien d’une chose. Comme ignorance spécifique, on parlerait de tel Dieu ici dans son contexte, et de tel autre ailleurs. Mais un troisième axe est possible : hiérarchiser les Dieux du plus spécifique au plus général (ils partagent tous le même principe heuristique mais ont des spécificités).

Quelles sont les conséquences de penser Dieu comme étant notre ignorance posée devant nous ? Exemples à étudier : Dieu a dit que, il punit si ceci ou ceci, Dieu m'a aidé, je parle à Dieu, Dieu s’exprime ou se manifeste, Dieu trace un chemin vers lui, etc. Si nous ne pouvons pas saisir ce qui est ignoré car cela dépasse notre connaissance, tout du moins pouvons-nous progresser par approximations, par repérages successifs des éléments qui eux sont saisissables.

On peut encore dire ceci : Dieu est l'ignorance, et cette ignorance est signe d'une connaissance certaine. C'est l'ignorance parce que nous posons Dieu là où nous ignorons (d'une certaine manière, c'est le nom que l'on donne à la chose extérieure et non pas en tant qu'expression du sujet). C'est un signe d'une connaissance certaine parce que le fait d'avoir posé un être et l'avoir nommé (Dieu) fait que nous avons bien une chose connaissable, un être qu'on peut approcher (cela rapproche l'inconnu de nous, de ce que l'on connait : l'être est du domaine du connu ou du connaissable – c'est ici l'expression du sujet). Dieu est un principe d'ignorance signifiant qu'il existe une chose certaine, que l'on peut connaître. Ainsi, Dieu en tant que principe heuristique transforme l'ignorance comme limite en ignorance comme intention, intuition vers. Il ne faut plus que formuler le problème pour entamer l'approche, la découverte, l'explicitation, la connaissance. Alors, Dieu cesse d'être inconnu, c'est une « destruction de Dieu » ou une « révélation du divin » ou encore une « connaissance divine » (on peut se représenter cet acte selon différents points de vue, par exemple selon l'axe du divin-ignoré vers le sujet ou celui du sujet vers le divin-ignoré) ; mais alors Dieu se déplace ailleurs, à l'ignorance suivante signe d'une autre connaissance certaine.

Conséquence : l'ignorance est-elle fondamentale ? On voit ici que Socrate examinant les pseudo-connaissances d’autrui pose un problème essentiel, voire le problème, et ce en écartant l'aspect spirituel ou la croyance en un principe transcendant. Que connaissons-nous ? Comment connaissons-nous ? Connaissons-nous ? Qu'est-ce que connaître ?

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Par Alexandre Venet, le 26-11-2017

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